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Les éléments constitutifs de l'infraction

 

           Sur un plan général, malgré les différentes classifications des infractions, elles sont toutes constituées des mêmes éléments imposés par la loi pour leur structure.

           Ainsi toute infraction doit comporter principalement trois éléments : L’élément légal ; l’élément matériel, et l’élément moral.

 

 

1-L’élément légal :

           Pour qu’une action ou une abstention soit punissable, il faut qu’elle soit prévue et réprimée par un texte de loi : nullum, crimen, nulla poena sine lege (pas d’infraction, pas de sanction pénale sans loi).

                   C’est le « principe de la légalité des délits et des peines » introduit au Maroc par le code pénal français de 1913. Ce principe sera définitivement consacré par l’article 10 du dahir du 2 juin de 1961, portant loi fondamentale du royaume et réaffirmé par les constitutions de 1962, 1970 et 1972 et par l’article 3 du code pénal de 1962, aux termes duquel : «  Nul ne peut être condamné pour un fait qui n’est pas expressément prévu comme infraction par la loi ni puni de peines que la loi n’a pas édictées ». L’article 8 de ce code étend le principe même aux mesures de sûreté.

                  Le principe légalise est considéré comme un fondement de la liberté individuelle et collective contre l’arbitraire du législateur et du juge. Il s’impose d’une part au juge, en lui interdisant d’assimiler à une infraction un fait qui ne correspond pas à ceux définis par les textes. Et d’autre part, il s’impose au législateur, en l’obligeant à édicter des lois claires et précises et lui interdit de conférer un effet rétroactif à une loi pénale plus sévère que l’ancienne.

                 Ce principe est fondé sur trois considérations :

1-      La première est d’ordre politique : elle concerne le maintien de l’ordre et sa limitation à tout ce qui est nécessaire à la vie paisible et ce,  en limitant les actions de l’homme et ses comportements en faveur de la société.

2-      La deuxième relève de la politique criminelle, qui veut que c’est la loi qui doit déterminer ce qui est interdit de ce qui ne l’est pas, tout en exerçant une sorte de contrainte psychologique sur la volonté humaine.

3-      Enfin le troisième est celle de la séparation des pouvoirs politiques dans un état déterminé. Elle a été envisagée comme un partage des compétences attribuées par l’état entre les différents organes spécialisés dans la législature, le gouvernement et l’administration de la justice, visant ainsi à limiter l’arbitraire.

     *L’application de la loi pénale :

                          L’application de la loi dans le temps : En principe l’efficacité de la loi est liée à son élaboration. Elle doit donc obéir au respect de deux normes : elle doit d’abord être écrite, vu que seule une loi écrite peut renseigner efficacement les citoyens sur les limites du permis et du défendu et assure ainsi une certaine stabilité au droit criminelle.

La règle doit être ensuite précise, c'est-à-dire qu’elle doit définir avec précision les actions où omissions qui ont un caractère anti-social, dans la mesure ou une définition imprécise de l’infraction livrerait  les citoyens à l’arbitraire du juge.

 Au niveau de l’application dans le temps, il convient de faire une distinction entre les lois de fond et les lois de forme.

 Pour ce qui est des lois de fond, c'est-à-dire celles qui déterminent les infractions et leur sanction, le principe est la non rétroactivité, selon lequel, une loi ne s’applique qu’aux actes postérieurs à sa promulgation. C’est une application de la règle que formule l’article 4 du C.P : « nul ne peut être condamné pour un fait qui, selon la loi en vigueur au temps où il a été commis, ne constituait pas une infraction ».

                         Toutefois, ce principe est assorti de trois exceptions :

1-      la rétroactivité de la loi pénale par le législateur : c'est-à-dire qu’une loi nouvelle peut s’appliquer à certains actes antérieurs à sa promulgation, notamment lorsqu’elle contient des dispositions plus douces que la loi ancienne.

2-      Les lois interprétatives : Destinées à préciser le sens d’une loi antérieures, elles sont considérées comme faisant corps avec cette dernière et ont, de ce fait, le même domaine d’application dans le temps.

3-      Le fondement libéral du principe de la non rétroactivité qui conduit à l’application immédiate des lois plus douces favorables aux intéressés, tel qu’il est venu dans l’article 5 du C.P : « nul ne put être condamné pour un fait qui, par une loi postérieure à sa commission, ne constitue plus une infraction ; si une condamnation a été prononcée, il est mis fin à l’exécution des peines tant principales qu’accessoires ». Et l’article 6 du C.P : « lorsque plusieurs lois ont été en vigueur entre le moment où l’infraction a été commise et le jugement définitif, la loi dont les dispositions sont les moins rigoureuses doit recevoir application ».

                Par contre, lorsqu’il s’agit des lois de forme, c'est-à-dire les lois de procédures, de compétences, de prescriptions, l’application est immédiate.                 

                 L’application de la loi dans l’espace : Au niveau de cette application, le principe est la territorialité des lois pénales. Il consiste à appliquer la loi pénale à tous ceux qui ont commis une infraction sur le territoire de l’état où cette loi est en vigueur, l’article 10 du C.P consacre ce système : « sont soumis à la loi pénale marocaine tous ceux qui, nationaux, étrangers ou apatrides, se trouvent sur le territoire du royaume… ».

                 Toutefois, ce principe connaît également des exceptions :

1-      l’infraction commise au Maroc est soustraite à la loi locale : qui veut dire que la loi Marocaine n’est pas toujours applicable aux infractions commises sur le territoire national, c’est le cas par exemple : des membres de la chambre des représentants qui bénéficient des immunités pénales, ainsi que les cas des agents diplomatiques qui ne doivent pas répondre devant les juridictions de l’état auprès duquel ils sont accrédités des infractions qu’ils commettent sur le territoire de cet état, représentants un état étranger, c’est à ce dernier qu’il appartient de les juger et réprimer. Il y a également, ce qu’on appel l’effet négatif de la chose jugée à l’étranger, exemple : aucune poursuite pour crime ou délit commis au Maroc ne peut être exercée contre un étranger qui justifie avoir été définitivement jugé à l’étranger pour ce crime ou délit.

2-      La poursuite et le jugement au Maroc de l’infraction commise hors du royaume : pour ce qui est des infractions commises par des marocains, si elles sont des crimes, elles ne peuvent être réprimées au Maroc que lorsqu’elles sont qualifiées de tel par la loi marocaine. Par contre lorsqu’elles sont des délits, elles ne peuvent être poursuivies et jugées au Maroc que lorsqu’elles sont qualifiées délit tant par la loi Marocaine que par la législation du pays où il a été commis.

Et lorsque ces infractions sont commises par des étrangers, en principe, il est interdit au Maroc de juger et punir un ressortissant d’un autre état qui se réfugie dans le royaume, après avoir commis une infraction à l’étranger, alors que s’il l’a commise contre le Maroc lui-même, là le principe de la territorialité sera justifié.

                  *l’interprétation de la loi pénale :

                  Afin de bien interpréter la loi pénale, il convient d’abord de rechercher son sens exact, et de rechercher ensuite son domaine d’application.

                  En ce qui concerne la recherche du sens da la loi pénale, il convient de distinguer entre trois cas :

  • 1. Lorsque la loi pénale à une signification obscure ou douteuse : le juge est tenu d’éclairer le texte obscur en recherchant l’intention du législateur, en se référant par exemple : aux travaux préparatoires, l’analyse du droit français dont s’est largement inspiré le droit marocain, aux précédents historiques…, par contre lorsqu’il ne parvient pas à établir la pensée du législateur, l’interprétation restrictive s’impose, c'est-à-dire que le juge doit s’en tenir au sens le plus favorable à l’inculpé.
  • 2 .Lorsque la loi  pénale est imprécise : premièrement le juge doit chercher si la notion à laquelle fait appel la loi pénale n’est pas défini par d’autres textes du droit pénal ou de toute autre discipline juridique, et deuxièmement son interprétation doit être plus restrictive lorsque l’imprécision de la loi est le fruit d’une violation légale du principe de la légalité.
  • 3-Lorsque la loi pénale contient des notions implicites.

Et pour ce qui est de la recherche du domaine d’application de la règle pénale :

Parfois il est impossible de prévoir les formes de certaines criminalités  vu qu’il n’y  a pas de loi qui le précise, là il appartient au juge deux méthodes pour qualifier les faits en l’absence de la loi :

  • 1. la méthode analogique :qui consiste à appliquer un texte visant un acte ou un fait précis à un acte ou un fait précis à un acte ou un fait similaire ou analogue.
  • 2. La méthode typologique : selon laquelle, il ne suffit pas que le fait envisagé tombe sous l’application de la loi pénale mais il faut qu’il soit visé et défini par une disposition particulière qui lui donne sa figure juridique et en fixe la peine.

1- l’élément matériel :             

En principe le droit pénal ne réprime pas les infractions pour le simple fait qu’il y a eu une intention criminelle. Elles ne pourront être réprimées que lorsque leur commission aboutit à un résultat « pas d’infraction sans activité matériel », c’est-à-dire par un comportement pénal qui révèle la faute pénale ou l’intention criminelle. C’est le comportement pénal déterminant un résultat dommageable qui constitue l’élément matériel de l’infraction consommée, par contre le résultat dommageable du comportement est différent lorsqu’il s’agit de l’infraction tentée.

              *l’élément matériel est l’infraction consommée :

Il peut consister soit en la commission d’un acte interdit par la loi, soit en l’omission d’un acte prescrit par la loi. Article 110 du C.P « l’infraction est un acte ou une abstention contraire à la loi pénale et réprimé par elle ».

Pour ce qui est des infractions de commission, la majorité d’entre elles sont des infractions dites matérielles, exemple : meurtre, vol, viol, diffamation…elles supposent pour leur consommation trois conditions :

1-      Un acte positif contraire à la défense légale qui se traduit le plus souvent par une initiative physique, exemple : violeur et meurtrier sont actifs.

2-      Un résultat dommageable qui peut être soit matériel (exemple : vol,) soit moral, (exemple : diffamation).

3-      Un lien de causalité entre l’acte et le résultat.

  Comme elles peuvent être des infractions formelles qui sont réalisées par les seuls moyens employés, indépendamment de leur résultat. Exemple : empoisonnement.

 Les infractions d’omission, certaines d’entre elles peuvent ne pas être assorties d’un résultat positif, exemple : non révélation du crime consommé, non témoignage en faveur d’un innocent poursuivi, omission de verser à l’échéance une pension alimentaire… Elles peuvent être assorties d’un résultat, c’est ce qu’on appel les infractions de commission par omission. Se sont des infractions d’abstention avec résultat positif direct, elles sont donc proches de l’infraction de commission, exemple : homicide par imprudence

Le code pénal n’a prévu aucune disposition générale consacrant cette notion, sauf les articles 432-435 relatifs à l’homicide et aux blessures involontaires ».

 A part ces deux articles on ne rencontre que des dispositions particulières dont l’objet n’est pas de réprimer une infraction de commission par omission mais, un délit d’omission spécifique, exemple : abstention volontaire de porter secours à une personne en péril (l’article 431 du C.P).

                        *l’élément matériel et l’infraction tentée :

 Il s’agit principalement de l’infraction non consommée, qui veut dire la tentative. En doctrine,la tentative oppose deux conceptions :

         1- L’une est objective  qui insiste sur la réalisation de l’infraction pour qu’elle soit réprimée;  

         2- L’autre est subjective, elle tient uniquement compte de l’intention criminelle.

 La tentative peut revêtir deux formes, elle peut être soit une tentative interrompue qui résulte d’une faute d’exécution complète, comme elle peut être une tentative infructueuse qui résulte de la non réalisation du but de l’infraction, et qui correspond à l’infraction impossible ou manquée.

Pour que la tentative au sens stricte soit incriminée, elle doit réunir certaines conditions qui sont nécessaires à sa répression, il s’agit notamment :

1-      Du commencement de l’exécution qu’il ne faut pas confondre avec la consommation définitive de l’infraction ;

2-      Ensuite il y’a Le désistement involontaire qui doit être distingué du désistement volontaire qui entraîne l’impunité ;

3-      Et enfin, il s’agit de l’intention coupable.

Pour ce qui est de sa répression, le principe est la répression de la tentative des infractions les plus graves. Là il faudra faire la distinction entre les trois types d’infraction :

1-       Lorsqu’il s’agit d’un crime : la tentative est toujours réprimée, vu qu’elle est assimilée au crime consommé.

 2-      Alors que s’il s’agit d’un délit : sa tentative n’est punissable, que lorsqu’une disposition spéciale de la loi le prévoit, exemple : enlèvement d’une femme mariée, faux commis dans certains documents administratifs…

3-      Par contre s’il s’agit d’une contravention : sa tentative n’est jamais punissable.

Il existe d’autres cas ou la tentative est punissable, notamment lorsqu’elle est suspendue à cause d’un facteur extérieur. Alors que lorsqu’il s’agit d’un désistement spontané, c’est à dire inspiré d’un sentiment de pitié ou de remords, l’agent échappe à la répression.

                    3- L’élément moral :

Pour qu’une action ou une abstention constitue une infraction punissable il faut que l’agent ait commis une faute et que cette faute lui soit imputable, qui veut dire que l’agent auquel l’acte est matériellement imputable ne sera coupable que s’il a commis une faute.

Sachant qu’il n y’a pas les mêmes degrés dans la culpabilité et que la faute génératrice de la responsabilité pénale n’est pas toujours de la même intensité, il convient donc de faire la distinction entre deux sortes de fautes :

 1- la faute intentionnelle, qui est une faute au niveau de laquelle le délinquant est non seulement conscient de l’illégalité de son acte, mais il cherche à atteindre un but précis. Cette faute intentionnelle peut se présenter soit sous forme d’une volonté criminelle générale, et c’est ce qu’on appel le dol général qui se traduit par la conscience et la volonté de commettre une infraction, soit sous forme d’une intention précise, et c’est ce qu’on appel le dol spécial qui se traduit par l’intention de violer la loi de manière à produire un résultat dommageable précis.

Parfois le dol général reste insuffisant pour déclencher la responsabilité pénale de l’agent, c’est la raison pour laquelle dans de nombreuses infractions, la loi exige en outre un dol spécial ou spécifique, parce que à défaut de cette intention précise exigée par la loi l’agent n’est pas punissable sauf dans certains cas.

Le dol peut également se présenter sous différentes formes, exemple : le dol déterminé dont les conséquences préjudiciables de l’infraction appréciées au moment de l’action, étaient nettement prévues. Le dol aggravé qui suppose la préméditation antérieure à la commission de l’infraction… 

2- Il y’a également la faute non intentionnelle, au niveau de laquelle la faute trouve sa véritable place, vu qu’elle englobe quelque chose non voulue vraiment et parfois elle suffit à déclencher la responsabilité pénale. Au niveau de cette faute il peut s’agir soit d’une faute d’imprudence et de négligence sans volonté criminelle on les appelles aussi des infractions quasi-délictuelles, exemple : le cas des infractions d’homicide involontaire et de blessures involontaires, soit d’une faute contraventionnelle, qui est une faute nécessaire.

Comme dans les infractions quasi-délictuelles, la faute en matière contraventionnelle réside dans une négligence, une imprudence ou une inobservation des règlements, et cette faute est notamment différentes de la faute quasi- délictuelle pour deux raisons : d’abord parce qu’elle est toujours punissable, et dans ce cas là le ministère public est tenu d’attaquer une faute contraventionnelle sans avoir à rechercher la faute intentionnelle ou non intentionnelle de l’agent. Exemple : le fait de brûler un feu rouge n’oblige pas le ministère public à prouver la volonté délibérée ou la négligence du conducteur du véhicule, et deuxièmement, l’agent pour s’exonérer de sa responsabilité, doit prouver la force majeure, c'est-à-dire l’impossibilité absolue dans laquelle il s’est trouvé de prévoir et d’empêcher l’infraction, et le code pénal de 1962 l’a assimilée à la contrainte ou à un fait justificatif.

En principe pour que toute infraction soit punissable, il faut que la faute soit mise au compte de celui qui l’a commise, mais parfois cette condition ne peut pas exister, dans la mesure ou il devient difficile d’imputer la faute à l’agent, vu qu’il existe quelques cas ou ce dernier n’a pas toutes ses facultés mentales au moment de la commission de l’infraction, chose qui peut entraîner soit son exonération totale ou partielle. Exemple : le cas des mineurs âges de moins de 12ans qui sont considérés comme irresponsable par défaut de discernement.

Laila Guerimej

Juriste en droit des affaires

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